Sans fard

La baie est silencieuse, paisible. Quelques vacanciers y venaient encore les semaines précédentes, mais depuis le premier septembre, la plage a été délaissée. Sans doute que le départ des écoliers a achevé de vider les lieux et que les premières brises d'automne les bloque au loin, vérouillent les salles de classe, condamnent les bureaux, et tiennent à une distance repsectable tous les curieux et les épicurieus qui pourraient encore désirer une bonne baignade. Le sable est doux, et léger. Il vole en volutes dans les bourrasques de l'air marin. La plage est délimitée, sur les deux bords, par des amas rocheux, des blocs de granit gigantesque que les pluies et les vents ont creusés. Ils forment une horde étrange de créatures mystiques et immobiles, fossilisées dans une course vers l'océan. Ils descendent en bande de la montagne toute proche où moutonnent quelques arbres dont les feuilles recourbées attendent les premières pluies, dessées vers le ciel. En haut de la montagne se dresse un édifice dont les murs blancs renvoient la lumière et éblouissent l'hypothétique promeneur. Le murs sont hauts et forment une forteresse tout autour d'une tour plus haute encore. C'est un phare. Son énorme globe fixe la mer, abrité derrière une épaisse paroie de verre, insensible à la houle qui se forme et menace à chaque fois d'engloutir les monstres parvenus au plus près du rivage. C'est un oeil unique qui demeure ouvert, tout le jour et toute la nuit, devant l'imensité du bleu le plus absolu, bleu du ciel ou bleu des eaux, et la paupière ne cille jamais. Lourde et fixe. Ainsi, la bête de pierre, au sommet de sa gloire, contemple pour l'éternité ces spectres, ces trolls, ces cyclopes fossilisés par la lumière dans leur ruée vers leur divin père.

Retour